L’illusion de la liberté : Une métaphore de l’esclavage moderne
La vie quotidienne, pour tous ceux qui ne sont pas millionnaires—c’est-à-dire presque tout le monde—a doucement glissé vers une forme d’esclavage moderne. Il n’y a ni chaînes, ni fouets, ni maîtres qui crient. À la place : un sourire sur une fiche de paie, des règles d’entreprise, et une emprise bien dissimulée sous le masque poli de « l’opportunité ».
Permettez-moi une métaphore.
Imaginez que vous travaillez pour une entreprise. Elle vous paie en crédits—de l’argent que vous ne pouvez utiliser que dans les magasins de cette même entreprise. Ces magasins vendent tout : nourriture, vêtements, logement, transport, même du divertissement. Sur le papier, cela semble équitable. Un système fermé, mais complet.
Il y a juste quelques conditions. Vous devez payer pour vos outils. Pour vos vêtements de travail. Pour votre logement, afin d’être suffisamment reposé pour travailler. Pour le transport qui vous amène au travail. Pour la nourriture, l’électricité, Internet, l’assurance maladie—bref, pour rester fonctionnel dans le système.
L’entreprise retient aussi une partie de votre salaire « pour votre bien », au cas où un jour vous ne pourriez plus travailler. On appelle ça la retraite.
Ça a toujours l’air juste ?
Maintenant, calculez le nombre d’heures qu’il vous faut pour satisfaire à ces obligations. Ajoutez les heures nécessaires pour pouvoir vous offrir quelques jours de vacances—peut-être une ou deux semaines par an, histoire de vous sentir vivant. Ajoutez les heures pour acheter quelques distractions—des gadgets, des abonnements, des passe-temps—qui vous aident à oublier combien vous travaillez.
Ajoutez des enfants. Encore plus d’heures.
Ajoutez un partenaire. Encore plus d’heures.
Ajoutez une urgence médicale. Encore plus d’heures.
Ajoutez l’inflation, les dettes, le loyer qui augmente. Encore plus d’heures.
Et voilà la vérité : le système ne vous attache pas à une chaîne dans une usine, mais il exige presque chaque minute de votre vie en échange du simple droit d’exister. Vous êtes payé—mais est-ce vraiment un paiement, ou est-ce la nouvelle forme de chaîne ?
Vous êtes « libre », dit-on. Libre de choisir.
Mais pas ça. Ni ça. Ni ça non plus.
Vous pouvez choisir votre emploi—mais seulement parmi ceux proposés par le système.
Vous pouvez choisir votre logement—mais seulement parmi ceux que vous pouvez vous permettre à proximité du travail.
Vous pouvez choisir votre nourriture—mais seulement parmi ce qui est offert dans les magasins de l’entreprise.
Vous pouvez choisir la couleur de la cage. Mais vous ne pouvez pas vous permettre la clé.
Ce n’est pas la liberté. C’est l’illusion du choix—savamment conçue, soigneusement bouclée, et polie pour ressembler à l’autonomie.
Et voici ce qui la rend encore plus pernicieuse : la société l’a tellement intégrée que ceux qui la refusent sont vus comme fous.
Quelqu’un qui ne participe pas—qui vit en dehors du système, sans adresse fixe, sans emploi stable—est jugé. On le traite de paresseux, de marginal, de poids mort. Même par ceux qui, eux aussi, vivent à un seul chèque de paie de la même réalité.
Des esclaves qui regardent un homme libre et le jugent parce qu’il n’a pas de chaînes.
Je ne dis pas que la rue est un paradis. Je dis que le système a réussi à faire passer toute sortie comme un échec. Il efface le contexte, aplanit les nuances, et fait en sorte que survivre sans participer devienne impensable—non parce que c’est impossible, mais parce que c’est socialement inacceptable.
Dans un système qui récompense l’obéissance et punit le repos, même la fatigue devient une faute. Même l’immobilité devient un péché.
Et pourtant, il y a des failles. Des éclats. Des moments où les gens sentent le vide derrière la course effrénée. Ils perçoivent la dissonance, même s’ils ne savent pas la nommer. Ils se demandent si la vie ne devrait pas être plus que ça.
Si vous avez déjà eu cette sensation—celle de courir sans avancer, de gagner sans jamais arriver, d’être libre sans jamais choisir—vous n’êtes pas seul.
Il n’y a pas de morale ici. Juste un miroir. Un reflet de ce que nous avons accepté comme « normal ».
Et peut-être, juste peut-être, si on regarde assez longtemps… on arrêtera de confondre la cage avec un foyer.
D'autres idées plus complexes sont développées ici, y compris des pistes de solutions. Cet espace existe pour que nous puissions nous trouver les uns les autres, et essayer de ressentir notre chemin hors de ces dilemmes, un texte à la fois.
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